Découvrez l'histoire de l'aérodrome
2014 – aujourd’hui : Ouverture civile, meeting Air Legend et pôle industriel
Par arrêté du 10 octobre 2014, l’aérodrome de Melun‑Villaroche obtient enfin le statut d’ouvert à la circulation aérienne publique (CAP). Depuis cette date, la plate‑forme attire un trafic croissant de vols privés et d’affaires, devenant un précieux complément francilien au Bourget pour soulager l’est de Paris.
Pour accompagner ce virage, le terrain dispose d'un hangar chauffé de 2 400 m² capable d’abriter une dizaine de jets, avec l’objectif d’atteindre à terme une cinquantaine de mouvements d’aviation d’affaires par mois.
L’aérodrome renoue également avec le grand public : depuis 2018, il accueille chaque année le meeting "Paris‑Villaroche Air Legend", où évoluent warbirds et avions de légende (Corsair F4U, Dakota DC‑3, etc.) devant plusieurs dizaines de milliers de spectateurs, ravivant la mémoire aéronautique du site.
Sur le plan industriel, Safran Aircraft Engines reste la locomotive historique : son usine fondée en 1947 emploie aujourd’hui plus de 5 000 personnes et s’étend sur plus de 100 hectares, où sont assemblés et testés les moteurs CFM56 et LEAP ainsi que les M88 du Rafale.
Autour de cette activité, le domaine s’est mué en pôle aéronautique majeur de 405 hectares, totalisant environ 12 000 emplois en 2018. Pour affirmer cette vocation, le syndicat mixte gestionnaire (SYMPAV) a rebaptisé l’ensemble "Paris‑Villaroche Aéronautics & Technology Park" en 2016.
Porté par la dynamique nationale "France 2030", le parc figure depuis 2022‑2023 parmi les "Sites industriels clés en main", prêts à accueillir de nouvelles usines ; un projet de giga‑factory sur 100 hectares est même envisagé, illustrant l’orientation vers les technologies vertes et la réindustrialisation francilienne.
1980 – 2013 : Plate‑forme de formation et usage limité
À la suite du départ des grands centres d’essais en 1972, Melun‑Villaroche entre dans une phase plus discrète : durant les années 1980, l’activité se recentre sur la formation des pilotes et l’aviation générale. En janvier 1982, la plate‑forme, longtemps administrée par la DGA, passe officiellement sous l’autorité du Ministère des Transports, acte symbolisant son retrait définitif du domaine militaire et son orientation vers l’aviation civile.
L’École nationale de l’aviation civile (ENAC) implante alors un centre d’entraînement destiné aux élèves‑pilotes et aux cadres techniques de la DGAC, garantissant une activité régulière sur le site. Parallèlement, l’aéro‑club de Melun-Villaroche "Constantin Rozanoff" entretient la tradition aéronautique locale avec le vol de tourisme et de loisir.
Malgré ces usages, l’aérodrome demeure longtemps fermé à la circulation aérienne publique : seuls les utilisateurs d’État et les acteurs basés peuvent y opérer, ce qui confère au terrain un statut semi‑privé jusqu’au début des années 2010.
En prévision d’une ouverture plus large, le site amorce toutefois son positionnement dans l’aviation d’affaires : en 2013, la société de handling Elyxan s’installe, un hangar chauffé de 2 400 m² est édifié pour abriter une dizaine de jets, et l’objectif affiché est d’atteindre à terme une cinquantaine de mouvements d’affaires par mois.
Ainsi, entre 1980 et 2013, Melun‑Villaroche se transforme en plate‑forme de formation et d’usage limité, préparant en coulisses son futur essor civil tout en conservant une activité aéronautique continue grâce à l’ENAC, à l’aéro‑club et aux premiers opérateurs d’affaires.
1960 – 1972 : Saturation du ciel parisien et départ des centres d’essais
À partir de la fin des années 1960, l’essor du trafic commercial d’Orly puis de Roissy‑Charles‑de‑Gaulle restreint fortement l’espace aérien autour de Paris : les vols d’essais, très gourmands en manœuvres et en altitude, deviennent difficilement compatibles avec la sécurité et la réduction des nuisances. Melun‑Villaroche se trouve donc progressivement cerné par les couloirs civils et les exigences de contrôle aérien. Pour poursuivre leurs programmes, les constructeurs et motoristes choisissent des sites plus dégagés : les campagnes d’essais migrent vers le sud, sur les bases d’Istres (Bouches‑du‑Rhône) et de Cazaux (Gironde), tandis qu’un mouvement identique touche le centre d’essais voisin de Brétigny‑sur‑Orge.
Cette réorganisation atteint son terme en 1972 : les équipes d’essais de Dassault Aviation, de la SNECMA et du Centre d’essais en vol (CEV) quittent définitivement le ciel briard. Avec leur départ, l’aérodrome cesse d’être un haut lieu du prototypage français ; il se recentre sur la formation aéronautique et quelques activités locales, tout en restant géré par l’État pour encore plusieurs décennies.
1950 – 1959 : Âge d’or des essais et records
À partir de 1950, Melun‑Villaroche s’impose comme le centre névralgique de l’aéronautique française : la plupart des constructeurs – Dassault, Nord‑Aviation, Sud‑Aviation, etc. – y assemblent ou éprouvent leurs prototypes, faisant honneur au surnom "Villaroche, haut lieu de l’aéronautique française". Dassault Aviation, en particulier, y fait voler la lignée Ouragan/Mystère puis les premiers Mirage, tandis que nombre d’essais moteurs de la SNECMA animent quotidiennement le ciel briard.
Records supersoniques. Le terrain sert de banc d’essai grandeur nature : le 28 février 1954, le Mystère IV franchit pour la première fois Mach 1 en France, performance ternie quelques semaines plus tard par la mort du chef‑pilote Constantin Rozanoff, tué le 3 avril 1954 lors d’une tentative transsonique à basse altitude. Cinq ans plus tard, le Mirage III atteint Mach 2 (1959), consacrant la suprématie française dans la course au supersonique.
En 1955, Serge Dassault prend la direction du centre d’essais, institutionnalisant le rôle de Villaroche comme plate‑forme de démonstration des performances contractuelles devant les autorités civiles et militaires.
Programmes expérimentaux : Parallèlement aux chasseurs classiques, le site accueille des projets audacieux : René Leduc y teste son statoréacteur Leduc 010 (1949‑1951), la SNECMA fait décoller verticalement l’Atar Volant, puis met au point le surprenant C.450 Coléoptère à aile annulaire, qui réussit un vol stationnaire libre le 6 mai 1959 avant d’être perdu en juillet après éjection du pilote d’essai.
Intermède OTAN : Sur fond de guerre froide, l’US Air Force envisage un temps (1950‑1951) de transformer Villaroche en grande base de transport pour l’OTAN, avec terminal MATS et hôpital américain ; le projet est finalement abandonné au profit d’Orly et d’Évreux, mais des équipages américains continuent de s’entraîner à Melun jusqu’en 1955.
Tout au long de la décennie, la densité des essais – du prototype Mystère IVA (1952) jusqu’aux premières cellules à décollage vertical, fait de Villaroche une vitrine des ambitions françaises, avant que la saturation du ciel parisien n’impose, au tournant des années 1960, la recherche de sites plus dégagés pour les générations suivantes d’avions et de moteurs.
1945 – 1949 : Reconstruction et premiers jets français
Après la Libération, le terrain dévasté doit être entièrement reconstruit et modernisé. Dès 1945, l’État français réorganise l’industrie aéronautique : les principaux motoristes, dont Gnôme & Rhône, sont nationalisés et fusionnés pour créer la SNECMA (Société nationale d’étude et de construction de moteurs d’aviation).
Cette nouvelle société d’État choisit Melun‑Villaroche pour implanter son centre d’essais moteurs. L’établissement SNECMA de Villaroche est officiellement créé en 1947 sur plus de 100 hectares, dédié aux essais au sol et en vol de nouveaux moteurs civils et militaires. Parallèlement, l’aérodrome passe sous le contrôle du Ministère de l’Air et sert brièvement de dépôt pour plusieurs Messerschmitt Me 262 capturés, dont un exemplaire est conservé pour l’étude des turboréacteurs Junkers Jumo 004.
Les infrastructures se développent : 1946 voit la construction d’une aérogare au nord des pistes, bientôt suivie d’une tour de contrôle moderne. En décembre 1947, la SNECMA transfère à Villaroche toutes ses activités d’essais en vol jusque‑là basées à Villacoublay, faisant du terrain un véritable centre d’essais pour l’aviation française renaissante.
L’essor des avions à réaction s’accélère : le 28 février 1948, le colonel Constantin Rozanoff inaugure l’ère du jet à Melun en décollant à bord d’un Dassault MD‑450 Ouragan équipé de turboréacteurs Rolls‑Royce Nene – premier vol d’essai d’un chasseur français à réaction.
Quelques mois plus tard, le 23 juin 1948, le pilote Modeste Vonner réussit le premier vol de l’avion expérimental Arsenal VG‑70, deuxième prototype français à réaction.
La dynamique se poursuit : en septembre 1949, le nouvel avion de transport militaire Nord 2501 Noratlas effectue également son premier vol à Melun‑Villaroche, confirmant le rôle central du site dans la renaissance aéronautique d’après‑guerre.
Septembre 1944 – été 1945 : Base alliée A‑55
Début septembre 1944, les troupes alliées libèrent la région de Melun. Les Américains investissent immédiatement l’aérodrome, neutralisant les mines et déblayant les carcasses d’appareils détruits. Les bataillons du génie de l’US Army (830e, 833e et 878e du IX Engineer Command) remettent le terrain en état et, en l’espace de deux semaines, posent une nouvelle piste en asphalte de 1 500 m. Dès le 15 septembre 1944, Melun‑Villaroche est déclaré opérationnel comme base aérienne alliée A‑55 (Advanced Landing Ground).
Août 1940 – août 1944 : Occupation allemande et bombardements
Dès le 1er août 1940, l’occupant allemand investit Melun‑Villaroche et entreprend de vastes travaux : la surface du terrain est multipliée par dix et deux pistes en béton de 1 600 m × 60 m, orientées est‑ouest et nord‑sud, sont construites et équipées pour les vols de nuit. Rebaptisé « Melun‑Réau », l’aérodrome accueille alors des unités de bombardement de la Luftwaffe volant sur Junkers Ju 88 et Ju 188 qui participent aux offensives contre l’Angleterre. De 1941 à 1944, plusieurs Kampfgeschwader (escadres de bombardement) s’y relaient, faisant de Villaroche l’une des principales bases allemandes en zone occupée.
À l’approche du Débarquement allié, l’US Army Air Forces lance une campagne systématique contre les aérodromes ennemis. Le 14 juin 1944, Melun‑Villaroche est frappé par des Boeing B‑17 du 398ᵉ Bombardment Group ; les bombes creusent de profonds cratères et endommagent les installations. Les Allemands tentent des réparations d’urgence, mais, face à l’avancée des troupes alliées, ils évacuent définitivement le site courant août 1944.
1936 – 1939 : Genèse du terrain d’aviation
L’aérodrome de Melun‑Villaroche trouve ses origines dans l’entre‑deux‑guerres. Un aéro‑club est fondé en 1936 et s’installe en 1939 sur un terrain en herbe près de Villaroche, au nord de Melun. À cette époque, les sports aériens se popularisent et même l’ingénieur‑avionneur Marcel Bloch (futur Marcel Dassault) vient y effectuer des essais.
Dans le même temps, le contexte international tendu conduit l’État français à prévoir des terrains aéronautiques en appui de la défense de Paris, à l’instar du Bourget (créé en 1915) ou de Brétigny. Ainsi, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le champ d’aviation de Melun‑Villaroche est aménagé en 1939 dans le but de concourir à la défense aérienne de la capitale.
Une escadrille de Potez 631 (chasseurs bimoteurs) de l’Armée de l’Air s’y installe en 1940 pour protéger Paris. En outre, une école de pilotage militaire ouvre fin 1939 – trop tardivement toutefois, car elle ne formera des pilotes que du 24 avril au 10 mai 1940, à l’aube de l’invasion.